Project Description
par Sylvain (22 ans – Antony – Hauts-de-Seine)
– Salut l’école ! Ça va ?
– Ça va et toi ? Ça fait un bail dis donc, qu’est-ce que tu deviens ?
– Bah justement, pas grand chose.
– Pas grand chose !!!!!!
– Disons que je n’arrive pas à trouver ma place.
– Je t’avais pourtant conseillé d’être mécanicien, non ?
– Mais moi, je voulais être peintre.
– Et qu’est-ce que tu fais alors ?
– Je suis caissier.
– Effectivement, tu ne fais pas grand-chose. Mécanicien, ça te conviendrait bien mieux que caissier, tu aurais dû m’écouter. Bon ! Et toi, tu aurais voulu faire quoi ?
– Peintre, je viens de te le dire !!!!!
– Désolé, je ne t’écoutais pas. T’as pensé à un CFA pour passer un CAP mécanicien. Il y a beaucoup d’avantages à faire ces études en apprentissage. En plus d’apprendre un métier…
– Mais tu écoutes ce que je te dis !? Je n’ai aucune envie de devenir mécanicien.
– Avec les notes que tu avais à l’époque, tu penses sérieusement pouvoir rentrer dans les grandes écoles d’art ? Tu n’arrivais pas à résoudre des équations ou à écrire une phrase de trois mots sans faire de fautes d’orthographe.
– Quel rapport avec la peinture ?
– Pour être un bon peintre, il faut être bon en maths et en orthographe…
– N’importe quoi.
– Bien sûr que si !
– Ah oui ? Alors si je te donne une toile, tu saurais peindre quelque chose ?
– Non ! Je n’ai pas un bon coup de pinceau.
– Pourtant si je suis ta logique, étant donné ton excellent niveau en maths et en orthographe, tu devrais pouvoir me peindre un chef d’œuvre.
– Je ne suis pas créatif.
– Mais si, tu peux l’être si tu veux. Tout le monde peut être créatif. Il suffit de représenter ce que l’on pense, ce que l’on ressent, sous forme de peintures, musiques, poésies, etc.
– Mais alors, pourquoi moi je n’arrive pas à être créatif ?
– Parce que la créativité est une valeur qui reflète notre personnalité. Et toi, tu n’accordes de la valeur qu’aux gens qui s’efforcent de ressembler à ton idéal, donc à ceux qui acceptent de s’éloigner de leur personnalité. Tu n’acceptes pas la différence.
– Et qu’est-ce que je devrais faire alors ?
– Si tu cherchais vraiment ce qui me conviendrait le mieux, tu m’enverrais dans une école d’art et malgré mes notes en français et en maths. Le français et les maths ne me parlent pas. L’art me parle, mon langage est artistique. Alors plutôt que de t’obstiner à vouloir m’apprendre ce que je ne suis pas susceptible de comprendre, pousse-moi plutôt vers ce qui peut m’épanouir. Evidemment que le français et les maths sont utiles. Mais peut-être que si j’étais plus épanoui, je les comprendrais plus facilement. Et ce n’est pas seulement valable pour moi, mais pour tout le monde. Quand on est bien dans sa tête, on y voit plus clair.
– Pourtant, je fais tout pour que vous vous sentez bien, je fais en sorte que vous ayez un bon bagage afin que vous puissiez devenir des adultes épanouis.
– Alors tu dis que c’est le bagage qui fait la personne.
Certes, tu nous donnes des éléments pour le remplir, mais tu donnes les mêmes à tout le monde. Tu nous dis ce qu’il faut y mettre ou non. Tu fais donc nos valises à notre place.
Moi je pense qu’il faut nous laisser le faire nous-même afin que chacun puisse disposer de ce dont il a besoin pour s’épanouir. Et là seulement, le bagage reflètera réellement la personne.
– Très bien, mais, concrètement, qu’est-ce qu’on pourrait faire dans les écoles pour vous aider à vous épanouir ?
– Et bien je pense que les profs devraient revoir leur conception de l’éducation en se penchant davantage sur chaque élève, en le laissant s’exprimer, en mettant à sa disposition, par exemple, des ateliers artistiques et des espaces de dialogue.
– Mais nous continuerons quand même d’enseigner les matières comme le français et les maths ?!
– Oui, bien sur.
– Ah !!!! ….
– Mais en essayant de ne pas mettre la pression aux élèves. Je pense que leur donner des notes n’est pas le meilleur moyen de leur donner confiances en eux.
– Oui, c’est vrai, on pourrait encourager les élèves dans les domaines où ils ont des prédispositions, en augmentant le coefficient de ces matières et, aussi, en les soutenant dans celles où ils ont le plus de difficultés.
– Oui, c’est un bon compromis, je pense.
– Bon, merci pour tes conseils, ça m’a aidé à y voir plus clair.
– Oui. Tu vois, ça t’a pas fais de mal de prendre le temps de m’écouter.
– J’aurais dû le faire plus tôt.
– Il n’est jamais trop tard pour commencer.